À propos de la passion pour l’action, des courtisanes inspirantes et des histoires insolites redécouvertes

Anna Gołkowska Dymarczyk et Sylwia Jata de l’association Góry Kultury parlent à Anna Ochmann

Commençons par le début : d’où est venue l’idée de l’association Góry Kultury (Montagnes de la culture)?

Sylwia Jata : En fait, dans une certaine mesure, nous sommes tous issus de la Tarnogórska Fundacja Kultury i Sztuki (Fondation pour la culture et l’art de Tarnowskie Góry), qui soutient la vie culturelle de Tarnowskie Góry depuis de nombreuses années. À un moment donné, certains de ses membres, les plus jeunes, ont décidé de suivre leur propre voie – ils ont quitté les ailes bienveillantes de la Fondation et ont créé « Góry Kultury ».

Anna Gołkowska-Dymarczyk : Nous nous sommes tellement développés que nous avons fêté notre 10e anniversaire cette année.

S.J. : Mais nous avons été officiellement inscrits au registre judiciaire en 2013, ou peut-être même plus tard. Avant cela, nous fonctionnions comme un groupe informel.

Qui sont les membres de l’association ? S’agit-il d’un groupe stable de personnes ou l’équipe change-t-elle constamment ?

A.G-D. : C’est Sylwia qui est là depuis le plus longtemps, depuis le tout début.

S.J. : C’est vrai, je suis membre depuis le tout début, depuis le premier projet de Góry Kultury, et je suis aussi l’une de ses fondatrices. Mais au fil des années, beaucoup de gens sont partis et ont rejoint le groupe, car chacun, à un moment donné de sa vie, prend un chemin différent. Certaines personnes partent, d’autres arrivent, et nous – en tant qu’association – sommes souvent un prélude à d’autres activités …

A.G-D. : Mais c’est formidable que même les personnes qui étaient actives, par exemple il y a 7-8 ans, et qui étaient responsables d’un projet ou qui étaient impliquées dans certaines de nos activités, maintenant qu’elles ont une famille, des enfants et une vie à elles, reviennent parfois vers nous. Et s’il faut, elles s’impliqueront dans un projet, au moins dans une certaine mesure, au moins pendant un certain temps. Mais c’est aussi une caractéristique de cette ville – et je le soulignerai toujours : ici, en fait, tout le monde se connaît, et ceux qui sont actifs se connaissent certainement, ce qui signifie qu’il y a toujours quelqu’un à qui demander de l’aide et du soutien. Car tout est basé sur la passion. Nous n’avons pas de frais d’adhésion, par exemple.

S.J. : Le fait que tant de personnes soient passées par l’association au fil des ans est également précieux. Et même s’il y a aujourd’hui moins de personnes qui s’impliquent activement et en permanence, nous nous améliorons néanmoins, nous parvenons à récolter plus de fonds, et par conséquent, nous pouvons organiser de véritables événements.

Dans le nom de l’association Góry Kultury (Montagnes de la culture), l’accent est mis sur la culture, pourquoi ?

S.J. : Peut-être parce que, dans une certaine mesure, tout a vraiment commencé par la culture, et notre premier événement (organisé alors que nous travaillions encore avec la Tarnogórska Fundacja Kultury i Sztuki) a été la Journée de la culture de rue, un événement au format pas très populaire à l’époque, très éclectique. D’une part, il était principalement destiné aux jeunes, mais d’autre part, nous voulions montrer des activités artistiques que l’on ne voyait pas très souvent dans les rues de petites villes comme Tarnowskie Góry. Entre autres, il y avait des installations d’art urbain, des graffitis, des concerts de musique électronique – ce qui contrastait fortement avec ce que l’on associe habituellement à un concert en ville, à savoir une « vedette » standard et des ballons sur des bâtons.

A.G.-D. : Et d’ailleurs, je pense que nous avons tous été et sommes tous d’une manière ou d’une autre liés à la culture, par passion, par hobbies ou par intérêts… L’éducation est en fait venue plus tard. De la culture à l’éducation – je dirais que c’est ainsi.

S.J. : C’est même un peu paradoxal, car lorsque nous soumettions une demande de projet, nous devions souvent mettre l’accent sur l’éducation. Par exemple, nous avons réalisé un projet intitulé « La musique entre en scène » que nous avons hérité, en quelque sorte, d’une autre association qui a décidé de suspendre ses activités. Nous avons néanmoins décidé de reprendre leur événement phare, et il s’agissait en fait du seul festival de films muets avec musique en live en Pologne, et peut-être même dans cette partie de l’Europe, mais organisé sous forme de concours. Ce que je veux dire, c’est que les musiciens créaient de la musique pour des films muets et étaient jugés par un jury. Et nous y avons vu un grand aspect éducatif. C’était aussi une occasion unique de voir les classiques du muet sur grand écran.

A.G.-D. : D’une manière générale, ce que nous avons toujours voulu et voulons encore faire, c’est montrer que les initiatives de terrain ont un sens, qu’elles fonctionnent, et qu’il faut financer les passionnés, pas seulement les institutions culturelles municipales. Et, en fait, au cours de ces plus de dix ans, nous avons réussi, d’une manière ou d’une autre, à trouver une telle solution, ainsi que de bonnes relations avec les fonctionnaires de la mairie.

Parlons maintenant de vos projets et activités. Pouvez-vous citer trois projets ou idées de projets qui, à votre avis, sont les meilleurs et que vous « transféreriez » à d’autres villes européennes ? Bien sûr, en gardant à l’esprit que ce n’est pas si simple, parce que chaque ville est différente, a un caractère social complètement différent ; mais disons trois de vos favoris ?

A.G.-D. : C’est un choix difficile ! Sans aucun doute, le « Parking théâtral ». Bien sûr, les théâtres en plein air n’ont rien d’exceptionnel dans d’autres villes, mais si l’on tient compte de l’accueil incroyablement favorable que les habitants de Tarnowskie Góry ont réservé à ce projet, il mérite d’être souligné. Pour moi personnellement, c’est devenu extrêmement important et d’une certaine manière… favori.

S.J. : Je voudrais mentionner le premier événement au cours duquel Anna nous a rejoints – le jeu urbain.

A.G.-D. : Bien sûr, « Spotted : Shloss Neudeck ». Il y a quelques années, les groupes appelés « Spotted » étaient très populaires sur Facebook. Les villes, les restaurants et même les lignes de bus avaient leurs propres groupes Spotted, où les habitués partageaient leurs observations, leurs pensées et essayaient même de trouver la personne qui avait attiré leur attention ! Même si aujourd’hui ces groupes sur FB ne soient plus aussi populaires qu’il y a 4 ans, nous avons décidé d’utiliser cette formule pour « rencontrer » un personnage historique.

S.J. : Notre « Spotted » concernait une personne qui nous fascinait à l’époque, à savoir Blanca de Paiva, la première épouse de Guido von Donnersmarck, pour qui le palais de Świerklaniec, connu sous le nom de Petit Versailles, a été construit. Nous avons décidé de créer un jeu centré sur elle, mais en utilisant une forme différente – nous avons invité des acteurs à coopérer, trouvé des costumes d’époque, j’ai également écrit des dialogues pour chaque personnage. C’était merveilleux et inspirant qu’il y ait autant de récits contradictoires sur sa personne – elle a embelli sa biographie, créé sa propre légende. Elle a dit, par exemple, qu’elle était la fille de Pouchkine…

A.G.-D. : Et combien d’amants elle aurait eus ! Elle était l’une des courtisanes les plus populaires de l’Europe du XIXème siècle, qui tenait son salon d’art à Paris. Elle a inspiré des écrivains, des peintres et des poètes et a créé une aura de mystère et de légendes autour d’elle, par exemple elle a affirmé qu’elle ne se baignait que dans du champagne…

S.J. : Et le récit dominant, officiel, sur Świerklaniec l’omettait ou la présentait comme une courtisane mineure. C’était comme si Guido l’avait épousée sur un coup de tête. Nous avons été inspirés par le fait que personne ne voulait se souvenir que c’était elle qui avait plus d’argent, qu’elle l’avait soutenu avant qu’il ne devienne prince et qu’elle avait cru en ses idées avant qu’il ne devienne si riche. C’est tout cela qui nous a décidées à la présenter d’une manière aussi inhabituelle. C’était un projet très éducatif, car malgré toutes ces légendes qui prévalent, nous avons essayé de raconter la véritable histoire de cette époque de la manière la plus honnête possible.

Et comment s’est déroulé le projet ?

A.G.-D. : L’idée était globalement basée sur l’idée d’un jeu urbain, sauf que les participants se rendant aux différents points y trouvaient des scènes de l’époque – les dialogues étaient bien sûr écrits par Sylwia. Par exemple, on entrait dans un boudoir et certaines dames commençaient à faire des commérages sur Blanca, et le joueur pouvait « entrer » dans cette conversation, pour ainsi dire. Il y avait des indices dans cette conversation ; certaines phrases permettaient de trouver une solution, par exemple concernant la guerre et l’espionnage. Et il faut aussi préciser qu’aucun de nous n’est historien !

Et quel a été le plus grand défi dans la construction de ces scènes et l’écriture des dialogues ?

A.G.-D. : Sylwia est une experte en la matière !

S.J. : J’ai juste essayé de rentrer dans la peau des personnages et je me suis appuyée sur des sources historiques. J’ai lu quelque chose sur l’époque, par exemple Boy-Żeleński, pour absorber la langue en quelque sorte et puis ça a coulé tout seul.

C’est une excellente idée pour susciter l’intérêt, de faire en sorte que quelqu’un s’intéresse à la question et veuille en savoir plus. Et peut-être qu’on n’aurait jamais rencontré tel personnage ou telle histoire, qu’on ne connaît que grâce à vous !

S.J. : C’est exactement l’idée. Maintenant, nous poursuivons ce thème. Nous organisons une visite similaire du Palais des Cavaliers à Świerklaniec. Nous avons un guide, mais il y a aussi ceux qui vivaient là ou qui sont venus en visite, comme l’empereur Guillaume. Les acteurs, avec lesquels nous coopérons très bien, se déguisent en personnages, le guide amène le groupe sur place et ils jouent leur rôle. J’ai récemment entendu un commentaire selon lequel il s’agit d’une « visite touristique avec le cœur et l’âme » !

Mais ce n’est plus un jeu ?

S.J. : Ce n’est plus un jeu, mais nous utilisons l’idée d’« entrer » dans une certaine période historique.

J’aimerais également poser une question sur le fameux bal – est-ce aussi votre événement phare ?

A.G.-D. : C’est un des événements qui a trouvé son origine autour d’un verre…

S.J. : En général, l’inspiration est venue du fait que les célébrations du 11 novembre sont habituellement assez sombres et pas très joyeuses… [Le 11 novembre est l’une des fêtes les plus importantes en Pologne, commémorant le recouvrement de l’indépendance en 1918].

A.G.-D. : C’est aussi à cause du climat de novembre en Pologne, je suppose…

S.J. : Ça aussi, mais aussi parce qu’habituellement ces célébrations ne sont pas particulièrement joyeuses. Le patriotisme est célébré par les Polonais sans beaucoup de plaisir, tout est si sérieux à la télévision, et nous, en tant que jeunes, nous nous sommes demandés – comment nos grands-parents ont-ils célébré ce moment, comment ont-ils profité de leur indépendance ? Et nous avons décidé d’organiser tout simplement une fête d’époque… des années 1920….

A.G.-D. : Et puis aussi un peu des années 1930.

S.J. : Ania est une experte de la mode de l’époque ! Et c’est ainsi que l’événement a été créé, avec la bonne musique, les costumes, mais aussi l’ambiance, et je ne sais même pas quand cela s’est produit, mais il y a déjà eu 8 éditions. Il y a toujours des sketches, des chansons, même Eugeniusz Bodo [l’un des acteurs les plus remarquables et les plus populaires du cinéma et du théâtre polonais de l’entre-deux-guerres] et sa chanson « Female sex appeal ». Le tout dans une ambiance très divertissante.

A.G.-D. : J’ai même organisé un défilé de mode d’époque.

Je sais que vous êtes spécialisée dans la mode de cette époque.

A.G.-D. : Je suis une fan de la mode des années 1920-1950. C’est ainsi que j’essaie de m’habiller tous les jours, en fait je n’ai pas d’autres vêtements.

S.J. : Ania n’a pas de jeans…

Les jeans, c’est fini ! Ça devrait être le titre de cette interview !

A.G.-D. : Pour en revenir au bal, c’est un événement pour lequel nous n’avons pas eu besoin de faire de la publicité, surtout après quelques années, car les gens se sont habillés pour l’époque et sont venus d’eux-mêmes. Malheureusement, la pandémie a tout arrêté, mais c’est incroyable que l’événement soit passé d’une petite réunion d’amis à quelque chose dont tous les habitants de Tarnowskie Góry ont entendu parler.

Votre mention de la pandémie me donne envie de vous demander comment les technologies et les applications modernes sont intervenues dans vos activités, mais ça sera pour la deuxième partie de notre conversation ! Merci de m’avoir rencontrée aujourd’hui !

Anna Gołkowska-Dymarczyk – présidente de l’association « Góry Kultury ». Elle adore la mode et toutes les choses des années 1920-1950. Elle ne peut pas imaginer une journée sans un livre ou une conversation sur les livres autour d’une tasse de café.

Sylwia Jata est une passionnée d’histoire locale, associée depuis des années à des organisations non gouvernementales à Tarnowskie Góry, elle a organisé de nombreux événements pour des entités commerciales et en coopération avec des institutions culturelles. Pendant son temps libre, elle lit et regarde presque tout ☺.

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